Refondation de Mayotte
N° 2025-17 / À jour au 12 août 2025
Loi n° 2025-797 du 11.8.25 : JO du 12.8.25
Le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte a été déposé au Sénat le 22 avril 2025. Il a été adopté par la haute chambre le 27 mai 2025 et, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 1er juillet 2025. L’urgence ayant été déclarée sur ce projet de loi, une Commission mixte paritaire (CMP) a été constituée et a adopté un texte de compromis le 8 juillet. Les conclusions de la CMP ont été adoptées à l’Assemblée nationale le 9 juillet 2025 et au Sénat le 10 juillet 2025.
Les dispositions de la loi ont été validées par le Conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires et par le gouvernement les 16 et 18 juillet 2025. Sa décision, publiée le 7 août 2025, comporte cependant un certain nombre de réserves en lien notamment avec la résorption de l’habitation informel (art. 18) (CC : 7.8.25, n° 2025-894 DC).
La loi du 11 août 2025 a été publiée au journal officiel le 12 août 2025.
Cette loi comporte un ensemble de mesures visant à remédier aux difficultés structurelles de Mayotte, notamment dans les domaines de la lutte contre l’immigration clandestine, l’habitat illégal et le travail clandestin.
Plusieurs dispositions de ce texte abordent des thématiques liées à l’habitat, notamment concernant la lutte contre l’habitat informel, ainsi que l’adaptation des normes afin de faciliter les constructions de logements.
Objectif de l’action de l’État pour Mayotte
(loi : art. 1er et art. 2)
L’article premier de la loi approuve le rapport annexé à la loi de programmation pour la refondation de Mayotte. Ce rapport traduit les engagements du plan « Mayotte debout » présenté par le Premier ministre le 30 décembre 2024.
Il présente plusieurs mesures en lien avec le logement et l’urbanisme, qui ont été prises ou qui seront prises en faveur de ce territoire, notamment :
- la finalisation d’une feuille de route « du bidonville au logement » afin d’accélérer la résorption de l’habitat illégal et insalubre, en lien avec les collectivités territoriales et les acteurs du logement ;
- la création d’une Opération d’intérêt national (OIN) devant mobiliser l’ensemble des outils existants et s’appuyer sur un régime et des moyens d’exception pour mieux résorber les zones d’habitat informel, dynamiser les projets d’aménagement, développer l’ingénierie de projet et tenir le calendrier des procédures qui seront mise en œuvre, en lien avec les collectivités territoriales (décret n° 2025-605 du 30.6.25) ;
- la poursuite des opérations de résorption de l’habitat indigne avec la destruction programmée de près de 1 300 constructions ;
- la définition d’un objectif de reconstruction de 24 000 logements au cours des dix prochaines années, avec une livraison de 1 500 logements dès 2027 ;
- en matière de logement social, la déclinaison territoriale du futur Plan logement dédié aux outre-mer (PLOM) dès 2025 avec un objectif de constructions annuelles de logements sociaux comprenant un objectif spécifique de logements locatifs très sociaux, partagé avec l’ensemble des acteurs ;
- un plan d’action spécifique pour la régularisation du cadastre ;
- la simplification du droit de l’urbanisme en faveur des aménageurs, bailleurs et constructeurs pour accompagner l’effort de reconstruction ;
- l’information de la population sur les dispositifs d’aide et d’accompagnement en matière d’habitat grâce à la création de l’ADIL de Mayotte (ADIL 976), agréée le 7 février 2025.
En support de ces objectifs, les crédits prévus en soutien aux collectivités territoriales au titre de la reconstruction s’élèvent à 100 M€ en Autorisation d’engagement (AE) et 35 M€ en Crédit de paiement (CP) pour 2025, à 200 M€ en AE et 125 M€ en CP pour 2026 et 140 M€ en CP pour 2027. En outre, le logement bénéficiera de 200 M€ en AE chaque année pour la phase 2025-2029. Ces crédits dits prioritaires pourront être réévalués afin d’assurer la reconstruction et la refondation de Mayotte. Par ailleurs, avant le 31 décembre 2025, le Gouvernement devra remettre au Parlement une programmation annuelle des investissements prévus (art. 2).
Résorption de l’habitat informel
Pour mémoire, la loi du 23 juin 2011 relative à l’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne, dite aussi “loi Letchimy”, faisait suite à un rapport émis par le député de la Martinique, au titre de la mission qui lui avait été confiée, visant à accélérer le processus de résorption des différentes formes d’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer.
Il était constaté dans ces territoires, la constitution de quartiers, plus ou moins importants, d’habitat spontané, ou informel, constitués de constructions et installations diverses à usage d’habitation, ainsi qu’à usage artisanal et professionnel, édifiées par des personnes ne disposant d’aucun droit ni titre sur les terrains d’assiette, publics ou privés, avec ou sans permis de construire, terrains non ou insuffisamment desservis en réseaux publics de base (cf. Habitat actualité spécial).
La loi relative à la refondation de Mayotte vise à faciliter les opérations de résorption de l’habitat informel en prévoyant une application spécifique à Mayotte des dispositions actuellement prévues par la loi du 23 juin 2011.
Évacuation et démolition d’un habitat informel indigne
(loi : art. 18 / loi du 23.6.11 : art. 11-2, I [nouveau])
Une procédure particulière d’évacuation et de démolition de l’habitat informel, relevant du préfet est instaurée.
Le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de locaux et d’installations d’évacuer les lieux, et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l’issue de l’évacuation, lorsque des locaux ou des installations édifiés sans droit ni titre constituant un habitat informel (loi du 31.5.90 : art. 1-1, al. 2) :
- forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette ;
- et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
Contenu de l’arrêté. L’arrêté doit prescrire toutes mesures nécessaires pour empêcher l’accès et l’usage de cet ensemble de locaux et d’installations au fur et à mesure de leur évacuation.
L’arrêté contient en annexe un rapport motivé établi par les services chargés de l’hygiène et de la sécurité placés sous l’autorité du préfet de département et une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence.
Délai pour évacuer. L’arrêté précise le délai accordé pour évacuer et démolir les locaux et installations. La loi réduit d’un mois à 15 jours le délai minimum pour évacuer, à compter de la notification de l’arrêté et de ses annexes aux occupants et aux propriétaires.
Lorsque le propriétaire n’occupe pas le local ou l’installation, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de huit jours à compter de l’évacuation volontaire des lieux.
À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et des installations concernés.
Dérogation à l’obligation de relogement (loi : art. 18, II). La loi instaure une dérogation à l’obligation de relogement ou d’hébergement. Ayant une durée limitée (dix ans à compter de la survenance du cyclone Chido, soit jusqu’au 13 décembre 2034), cette possibilité donnée au préfet de ne pas effectuer de proposition de relogement ou d'hébergement doit être motivée au regard :
- des circonstances locales et notamment de l’état du parc de logement et d’hébergement ;
- ainsi que des possibilités de relogement.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 août 2025, a émis une réserve sur cette mesure en estimant que si ces « dispositions permettent au préfet, jusqu’au 13 décembre 2034 (…) de déroger à cette obligation, de manière motivée, compte tenu des circonstances locales, elles ne sauraient toutefois, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées (possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent), autoriser une telle dérogation qu’en cas d’impossibilité matérielle établie par l’administration et résultant des conséquences de cet événement climatique » (CC : 7.8.25, n° 2025-894 DC, § 181).
Outre cette réserve, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions de l’article 18 ne méconnaissent pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni aucune autre exigence constitutionnelle.
Réforme des modalités de la flagrance
(loi : art. 18 / loi du 23.6.11 : art. 11-2, II [nouveau])
La loi modifie les contours de l’opération de flagrance.
Pour rappel, la procédure de flagrance permet au préfet d'interrompre les travaux de construction d'un habitat informel, encore inoccupé, en ordonnant sa démolition lorsqu’une installation est en cours d’édification. Dans ce cadre, lorsqu'un officier de police judiciaire constate qu'un local ou qu'une installation est en cours d'édification sans droit ni titre dans un secteur d'habitat informel, le préfet peut, par arrêté, ordonner au propriétaire de procéder à sa démolition dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l'acte.
Élargissement du champ de compétence pour constater la flagrance. Il est prévu un élargissement du champ des personnes compétentes pour constater la flagrance de la construction d’un local ou d’une installation dans un secteur d’habitat informel. Cette compétence appartient désormais à :
- tous officiers ou agents de police judiciaire ;
- tous les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques commissionnés pour constater les infractions par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et qui sont assermentés (CU : L.480-1, al. 1er).
Allongement du délai de flagrance. La loi allonge le délai durant lequel la construction d’un local ou d’une installation sans droit ni titre peut faire l’objet d’un constat par les personnes compétentes (§. Élargissement du champ de compétence pour constater). Auparavant de 96 heures, la procédure peut désormais être activée s’il est constaté que le local ou l’installation a été édifié dans un secteur d’habitat informel (loi du 31.5.90 : art. 1-1, al. 2) depuis moins de sept jours.
Ensuite, le représentant de l’État dans le département peut, par arrêté, ordonner au propriétaire de procéder à la démolition dans un délai de 24 heures à compter de la notification de l’acte.
À défaut de pouvoir identifier les propriétaires, notamment en l’absence de mention au livre foncier, la notification les concernant est valablement effectuée par affichage à la mairie de la commune et sur la façade des locaux et installations concernés.
Local ou installation occupé. Si le local ou l’installation est occupé, le représentant de l’État dans le département ordonne aux occupants d’évacuer les lieux dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours à compter de la notification de l’arrêté. Lorsque le propriétaire n’occupe pas le local ou l’installation, le délai accordé pour procéder à la démolition est allongé de 24 heures à compter de l’évacuation volontaire des lieux.
Exécution d’office des arrêtés d’évacuation et de démolition
(loi : art. 18 / loi du 23.6.11 : art. 11-2, III [nouveau])
L’obligation d’évacuer les lieux et l’obligation de les démolir résultant des arrêtés d’évacuation et de démolition ne peuvent faire l’objet d’une exécution d’office :
- ni avant l’expiration des délais accordés pour y procéder volontairement ;
- ni avant que le tribunal administratif ait statué, s’il a été saisi par le propriétaire ou l’occupant concerné, dans les délais d’exécution volontaire, d’un recours en référé (liberté, suspension, ou mesures utiles) (CJA : L.521-1 à L.521-3) dirigé contre ces décisions.
Cette mesure vise à réintroduire le caractère suspensif de l’ensemble des recours en référé. Concrètement, cela signifie que si l’occupant ou le propriétaire engage un tel recours contre la décision d’évacuation ou de démolition, les services de l’État ne peuvent engager les mesures d’office avant qu’il ne soit statué sur le recours.
L’État supporte les frais liés à l’exécution d’office des mesures prescrites.
Rapport annuel sur les disparités constatées en matière de prestations sociales
(loi : art. 23, II)
Cet article habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de faire converger la législation sociale à Mayotte avec celle en vigueur sur le reste du territoire, sous réserve d’adaptations tenant compte des caractéristiques et contraintes du territoire. Le domaine de l’habilitation couvre le domaine de la protection sociale, notamment les prestations de sécurité sociale, cotisations, contributions et impositions affectées au financement des régimes de sécurité sociale, organisation et gestion des régimes de sécurité sociale.
Par ailleurs, cet article prévoit également la remise d’un rapport annuel du Gouvernement au Parlement entre 2026 et 2036 concernant la situation de Mayotte au regard des prestations sociales versées, comparées à celles versées dans l’hexagone et dans les autres territoires d’Outre-mer.
Ce rapport devra préciser notamment :
- les montants moyens versés par type de prestation ;
- les taux de recours et de non-recours observés pour chaque prestation ;
- les délais moyens de traitement des dossiers et de versement des droits ;
- les disparités d’effectivité et de qualité du service public dans l’instruction des droits et le suivi des bénéficiaires ;
- les obstacles identifiés à l’harmonisation des régimes et les leviers envisagés pour réduire ces écarts.
Enfin, le rapport devra formuler, le cas échéant, des recommandations pour garantir une convergence progressive des droits et une amélioration de l’accès aux prestations pour les habitants de Mayotte.
Tous les trois ans, le Gouvernement devra adresser au Parlement un tableau de bord de l’état d’avancement de l’élaboration des ordonnances. Ce tableau devra présenter les principales dispositions et orientations arbitrées et les données d’impact utiles.
Mesures relatives à l’aménagement durable de Mayotte
Financement de l’établissement public de l’État à Mayotte
(loi : art. 30 / C. environnement : L.561‑3)
Pour mémoire, la loi Letchimy du 23 juin 2011 (art. 6) permet de verser, sous certaines conditions, une aide financière aux occupants sans titre de terrains exposés à des risques naturels dont la démolition est ordonnée par l’autorité compétente.
L'aide financière et les frais de démolition sont alors imputés sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit “fonds Barnier”.
Le Code de l’environnement prévoit par ailleurs que ce même fonds contribue également à la remise en état des terrains concernés (C. environnement : L.561-3).
La loi permet à l’établissement public de l’État à Mayotte (CU : L.361-36-8) d’être destinataire de l’ensemble de ces aides. Cet établissement public a été créé par l’ordonnance du 23 mai 2025 relative à la transformation de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte. Sa création répond à l’impératif de doter le territoire d’un opérateur unique chargé de coordonner la reconstruction de Mayotte, en lui confiant une mission transversale de coordination, de maîtrise d’ouvrage ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage, ainsi qu’un rôle de garant de la bonne exécution des opérations.
Cet article est entré en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'État prévu par l’article 4 de l'ordonnance du 23 mai 2025, soit le 8 août 2025 (décret n° 2025-786 du 7.8.25).
Prescription acquisitive et régularisation des titres de propriété
(loi : art. 34 / loi du 27.5.09 : art. 35-2)
La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi (Code civil : art. 2258).
En principe, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans (Code civil : art. 2272).
La loi Habitat dégradé du 9 avril 2024 (cf. Analyse juridique n° 2024-15) a prévu la réduction de ce délai de 30 à 10 ans (art. 51) dans les départements et régions d’outre-mer (Constitution : art. 73), dont Mayotte.
Afin de faciliter la résorption du désordre foncier à Mayotte, duquel découlent d'importantes difficultés pour identifier formellement les propriétaires de terrains, cette disposition tend à adapter le régime de la prescription acquisitive sur l’archipel.
Il est prévu que le délai de 10 ans instauré par la loi Habitat dégradé soit également applicable aux possessions ayant débuté avant le 11 avril 2024 et remplissant les caractéristiques de la prescription acquisitive : possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire (Code civil : art. 2261).
Pour bénéficier de ce délai réduit, ces possessions doivent être constatées dans un acte de notoriété ou une décision judiciaire :
- pris après l’entrée en vigueur de cette disposition, soit un an après la publication du décret déterminant les modalités d’information des personnes susceptibles d’être concernées par ces dispositions, et au plus tard le 31 décembre 2027 ;
- et suivi de l’inscription du droit au livre foncier de Mayotte avant le 31 décembre 2038.
Actes de notoriété “renforcés” (loi : art. 34, II). Pour mémoire, pour sécuriser les propriétaires dont le droit de propriété repose sur la prescription et favoriser la régularisation foncière, la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (art. 35-2) a créé, dans certaines collectivités ultramarines, l'acte de notoriété dit « renforcé », qui, à la différence des actes de notoriété acquisitive classique, fait foi de la possession, sauf preuve contraire.
La loi tend à prolonger ce dispositif jusqu'au 31 décembre 2038.
Hébergement et logement des étudiants
(loi : art. 35 et art. 36)
Construction de résidences universitaires et de résidences affectées à l'enseignement supérieur public
(loi : art.35 / loi du 26.7.19 : art. 59)
Cet article vise à proroger jusqu’au 31 décembre 2031, à Mayotte, l’expérimentation, prévue initialement pour une durée de sept ans par l’article 59 de la loi du 26 juillet 2019 permettant de passer des marchés globaux de type conception-réalisation pour la construction d’écoles du premier degré.
L’article permet également d’étendre cette expérimentation aux constructions d’établissements du second degré, de résidences universitaires (CCH : L.631-12) et de résidences affectées à l’enseignement supérieur public.
En permettant de déroger aux principes d’allotissement des marchés publics et de séparation des missions de maître d’œuvre et d’exécution des travaux, le recours aux marchés de conception-réalisation doit simplifier les procédures, optimiser la gestion et la prévisibilité budgétaire sur ces marchés. Ces dispositions sont applicables aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à compter de la promulgation de la présente loi.
Six mois avant le terme de ces expérimentations, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport d'évaluation.
Marchés publics pour l’hébergement d’étudiants
(loi : art. 36 / loi du 24.2.25 : art. 17)
La loi vise à exonérer de l’obligation de publicité la passation des marchés relatifs à la construction temporaire de bâtiments scolaires et d’enseignement supérieur ainsi qu’à l'hébergement des élèves et des étudiants. Cette dérogation est limitée aux ouvrages dont la valeur estimée est inférieure à 3,5 millions d’euros hors taxes.
Il est issu d’un amendement du Gouvernement, adopté en séance publique par le Sénat. Il vient compléter l’article 17 de la loi du 24 février 2025 d’urgence pour Mayotte, qui prévoit cette exonération pour certains marchés publics rendus nécessaires par le cyclone Chido ou par des événements climatiques survenus dans un délai de six mois après celui-ci.
Ratification d'ordonnances issues de la loi d’urgence pour Mayotte
(loi : art. 37)
Cet article vise à ratifier deux ordonnances prises dans le cadre des habilitations données au Gouvernement aux articles 1 et 5 de la loi du 24 février 2025 d'urgence pour Mayotte :
- l’ordonnance du 23 mai 2025 relative à la transformation de l'établissement public foncier et d'aménagement de Mayotte.
Cette ordonnance vise à doter le territoire d’un opérateur unique chargé de coordonner la reconstruction. Cette transformation lui adjoint une mission transversale de coordination, de maîtrise d’ouvrage ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage, ainsi qu’un rôle de garant de la bonne exécution des opérations. Cette ordonnance permet également d’adapter la gouvernance de l’établissement à ses nouvelles responsabilités. Conformément à la loi d’habilitation votée par le Parlement, il sera administré par un conseil d’administration présidé par le président du conseil départemental de Mayotte, et composé en nombre égal, d’une part, de représentants de l’État et, d’autre part, de représentants des collectivités territoriales de Mayotte, dont le président du conseil départemental de Mayotte, le président de l’association des maires de Mayotte et des représentants des communes et de leurs groupements. Un représentant de l’État, le premier vice-président du conseil d’administration, disposera d’une voix prépondérante en cas de partage des voix. Parallèlement, un comité d’orientation chargé d’éclairer le conseil d’administration dans l’élaboration de la stratégie de l’établissement est créé. Il permettra d’associer plus largement les parties prenantes à la stratégie de reconstruction et notamment le comité de l’eau et de la biodiversité de Mayotte, la commission d’urgence foncière de Mayotte et le conseil économique, social et environnemental de Mayotte. Le décret du 7 août 2025 précise ces dispositions (décret n° 2025-786 du 7.8.25). - l’ordonnance du 23 mai 2025 portant diverses mesures d’adaptations et de dérogations temporaires aux règles de construction à Mayotte afin d’accélérer sa reconstruction à la suite du passage du cyclone Chido ;
Cette ordonnance prévoit des dérogations ciblées aux règles du CCH. Ces dérogations temporaires visent à faciliter la reconstruction des bâtiments endommagés ou détruits par les événements climatiques survenus entre le 13 décembre 2024 et le 13 mai 2025, sans compromettre la sécurité et les exigences sanitaires essentielles. Elles s’appliquent aux opérations de reconstruction ou de réhabilitation des bâtiments endommagés ou détruits par les événements climatiques survenus durant cette période, dès lors que les demandes d’autorisation sont déposées avant le 24 février 2027.
Ces mesures autorisent notamment :- un allègement des exigences en matière d’accessibilité (CCH : L.162-1). Seuls les logements situés en rez-de-chaussée des bâtiments d’habitation reconstruits devront être rendus accessibles aux personnes en situation de handicap ;
- une exemption de certaines obligations relatives aux réseaux de communication électroniques, à l’équipement en gaines techniques pour la réception des services gratuits de la télévision (CCH : L.113-10) ou encore à l’installation de compteurs d’eau divisionnaires pour les locaux occupés à titre privatif ou à chaque partie privative d’un lot de copropriété (CCH : L.152-3) ;
- une dérogation à l’obligation de prévoir des espaces de stationnement sécurisés pour les vélos (CCH : L.113-18 à L.113-20).
Le décret du 7 août 2025 précise ces dispositions (décret n° 2025-785 du 7.8.25).
Zonage de la totalité du territoire de Mayotte en quartiers prioritaires de la politique de la ville
(loi : art. 40 / loi du 21.2.14 : art. 5)
Les Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ont été créés par l’article 5 de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, en se substituant à d’anciens zonages.
Les territoires classés en QPV bénéficient de soutiens particuliers tels que :
- des dispositifs spécifiques de type « contrats de ville » ;
- des dispositifs fiscaux, comme des exonérations de Cotisation foncière des entreprises (CFE), de Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de Taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), limitées dans le temps pour les acteurs économiques, abattement sur la TFPB pour les bailleurs sociaux, taux réduit de TVA pour l’accession sociale.
La loi du 21 février 2014 (art. 5) a prévu que les QPV en outre-mer soient identifiés par des « critères sociaux, démographiques, économiques ou relatifs à l'habitat, tenant compte des spécificités de chacun de ces territoires ». Le nouveau découpage a conduit à la définition de 42 QPV dans 15 communes pour Mayotte.
La présente loi prévoit de classer toutes les communes de Mayotte en QPV jusqu’au 1er janvier 2030, ce qui correspond à la date de la prochaine actualisation des contrats de ville.
Modernisation du fonctionnement institutionnel de la collectivité
(loi : art. 48 / CGCT : L.4433-24, L.7311-5 [nouveau] et L.7321-13 [nouveau])
Initialement, cet article habilitait le Gouvernement à réformer par ordonnance les dispositions relatives à la collectivité de Mayotte en les codifiant, à périmètre de compétence constant, au sein d’un nouveau livre du Code général des collectivités territoriales. Le Sénat a adopté un amendement en commission, sur proposition du Gouvernement, pour intégrer directement dans la loi les dispositions d’ordre institutionnel relatives à Mayotte et par conséquent pour supprimer l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.
Transformation du département en département région. La loi réforme le fonctionnement institutionnel de la collectivité de Mayotte. Les dispositions de cet article prennent ainsi en compte la transformation du département de Mayotte en département région, comme prévu par la loi organique (loi organique du 11.8.25). Ainsi, le statut de collectivité unique de Mayotte est consacré, au même titre que la Guyane et la Martinique. Ce statut, régi par l’article 73 de la Constitution, lui permet d’exercer les compétences dévolues aux départements et régions d’outre-mer.
Cet article prévoit, par ailleurs, que l'assemblée de Mayotte est saisie pour avis par le représentant de l'État à Mayotte, avant le 31 décembre de chaque année, des orientations générales de la programmation des aides de l'État en faveur de l'habitat pour l'année suivante, arrêtées après avis du conseil territorial de l'habitat. Ces orientations générales portent sur la répartition des aides par dispositif, d'une part, et sur la répartition des aides par bassin d'habitat, d'autre part (CGCT : L.4433-24).
Schéma d’aménagement régional (SAR). Le plan d’aménagement et de développement durable, entré en vigueur le 22 juin 2009, est assimilé au Schéma d’aménagement régional (SAR) (CGCT : L.7311-5 [nouveau]).
Conseil territorial de l’habitat. Il est institué un conseil territorial de l'habitat composé, pour moitié au moins, de conseillers à l'assemblée de Mayotte. Sa composition, ses modalités de fonctionnement et ses attributions seront précisées par décret en Conseil d'État, à paraître (CGCT : L.7321-13 [nouveau]). Cette disposition reproduit, presque à l’identique, celle qui existe aujourd’hui à l’article L.4432-12 du CGCT et qui fonde l’existence juridique du conseil régional de l’habitat à Mayotte.
Ces mesures entreront en vigueur à une date fixée par décret (à paraître), et au plus tard le 1er janvier 2026.
Suivi de la loi
(loi : art. 3)
Un comité de suivi, placé auprès du Premier ministre, est chargé de veiller au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation de la présente loi et d’en rendre compte au Parlement.
Ce comité sera présidé par une personnalité désignée par le Premier ministre. Il sera composé :
- de trois députés et de trois sénateurs ainsi que des parlementaires élus à Mayotte ;
- de deux membres de la Cour des comptes, désignés par cette cour ;
- de quatre représentants de l’État ;
- du représentant de l’État à Mayotte ;
- du président de l’assemblée de Mayotte, du président de l’association des maires de Mayotte et du président de l’association des intercommunalités de Mayotte.
Les membres du comité exercent leurs fonctions à titre gratuit.
Les documents communiqués par le Gouvernement au comité de suivi devront être transmis, pour information, aux commissions permanentes chargées des questions institutionnelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Ce comité devra remettre, avant le 1er juillet 2028, un rapport public intermédiaire évaluant l’impact de la reconstruction et de la refondation de Mayotte et la réalisation des investissements.